Who is this shadow? (pv : Ivan')

La nuit était sombre au dessus de Tortuga ... très sombre. Le froid était aussi prenant, l'eau de la mer environnante de faisant rien pour arranger à la fraîcheur de la nuit. Ça faisait flotter une sorte de brume en dessus et autour de la "ville". Mais n'importe qui ayant déjà passé une journée à l'île des Pirates saura que cette "froideur" extérieur n'était pas identique une fois pied en ville. Les lumières étaient presque toutes allumées, les nombreux bars et lieux nécessitant d'être illuminés. Dans les établissements, tout le monde cherchait à boire un verre, à rencontrer un vieil ami, à faire des affaires. Ou, tout simplement, à rentrer dans une bonne bagarre. Gosuke évitait les bastons de bars, car n'étant pas le plus costaud des pirates, il se ferait très rapidement mettre en pièce. C'est pourquoi le jeune adolescent marchait tranquillement dans les rues, évitant les vieux ivrognes, qui étaient présents à presque chaque coin de rue. Tout à coup, Gosuke se retrouva dans une ruelle particulièrement sombre, à l'aspect effrayant. Soudain, un air froid passa dans la ruelle, faisant s'envoler quelques feuilles de journal, ou bien un peu de poussière. Gosuke sentit alors une peur. Pas une grande peur, comme celle qu'il a lorsqu'il se retrouve dans le vide. Non. C'était une petite peur, formant une toute petite boule dans son estomac. Rien de très grave, cependant. Tout à coup, une silhouette sortit d'un coin obscur, et avec la clarité de la pleine lune, Gosuke pu voir le visage de l'inconnu. Il était fin, mais très pale, sans aucun défault. Le jeune pirate reconnu immédiatement la personne qui se trouvait devant lui : Ivanovitch Tchekhovski. D'après ce qu'il savait, cet homme était le capitaine d'un navire, le Gothica. Gosuke l'avait déjà apercu quelques fois au large : la coque et la voile étaient noirs, des motifs étranges peints un peu partout. Et il y avait aussi un dragon cornu, la bouche grande ouverte, sculpté sur la proue. Plusieurs rumeurs courent sur cet homme. La première, c'est qu'il n'est pas humain. C'est vrai qu'avec ses oreilles pointues, ses étranges dents, et son teint pâle, il ressemblait à une créature de la nuit. La deuxième rumeur, c'était qu'il aidait les pauvres en volant les riches. Il y avait aussi un fait réel et très étonent : il avait survécut à une pendaison de la Compagnie de Indes Orientales. Mais Gosuke se méfiait de toutes ses rumeurs. Lui, il ne croyait que ce qu'il voyait, ou alors, ce que les gens lui racontaient sur eux-même. Néanmoins, Gosuke, sans faire attention, c'était rapproché du capitaine. Il dit alors :

- Bonsoir, monsieur Tchekhovski. Je suis Gosuke. Enchanté de faire vo ... votre conaissance ...

Tortuga. Ville de tous les vices, ville des pirates !
S’y arrêter relèverait du suicide : on répétait sans cesse cette expression parmi la noblesse anglaise. Pourtant cette bourgade constituait l’un de mes meilleurs terrains de chasse, après Port Royal où les aristocrates pullulaient. A Tortuga je chassais le pirate, et même si leur sang n’atteignait pas la perfection de la noblesse, il suffisait à me rassasier. Cette nuit, je ne me contenterais guère d’une fille de joie ivrogne ou d’un pirate aux vêtements imbibés de rhum, il me fallait un sang plus classe, ou du moins pas mêlé à des litres d’alcool.

Vêtu d’une chemise, d’un pantalon et de bottes noires, le tout couvert d’un long manteau sombre à souhait, j’errais dans les rues à la recherche d’une proie valable. Des courtisanes m’abordaient, animées du désir frivole de m’emmener dans un lit de taverne. Proposition alléchante certes, mais destinées à des hommes plus idiots et moins occupés. Il suffisait de leur montrer les crocs ou de leur envoyer une insulte bien salée et elles disparaissaient comme elles apparaissaient. C’est-à-dire rapidement.

-Bon sang ! Marmonnai-je sous la capuche de mon manteau. Je suis rarement de l’avis de la Compagnie des Indes, mais une telle ville fait honte à la piraterie !

Soupir. Consternation.
Je marchai ainsi parmi des humains en pleine décadence et atteignis les ruelles où le calme tomba enfin. Seuls des vieux à moitié écroulés sur le sol croisaient mon chemin et cessaient immédiatement leurs divagations d’alcooliques. Mon passage répandait en eux un sentiment de frayeur spontanée, comme s’ils venaient de passer la grille d’un cimetière. Après tout, je sortais bien d’un cercueil…

-Une petite pièce mon bon monsieur…

Un mendiant tout-à-fait sobre capta mon attention. Un vieil homme pauvrement vêtu, dont les guenilles teintées de crasse attiraient sans doute la pire des vermines, se tenait assis contre un mur juste à ma gauche : il tendait la main de manière à recevoir une pièce d’une âme charitable. Sans m’arrêter je lui glissai un rubis dans la main et lui dis :

-Pas besoin de demander des pièces, cela te rapportera bien plus. Et inutile de me remercier !

L'homme semblait perdu, totalement abasourdi. A cet idée un sourire se dessina sur mes lèvres, j’adorais venir en aide aux gens, et surtout voir leurs têtes s’ils se retrouvaient dans une situation analogue à celle de ce vieil homme. Les nobles s’émerveillaient face à un tableau à leur effigie, moi un simple sourire me rendait heureux.

J’atterris dans une ruelle bordée d’une pénombre hallucinante : personne ne pouvait m’y voir tant l’obscurité me couvrait de son halo. Un jeune garçon errait là, sans doute perdu au beau milieu de ce dédale infini. Il ne sentait guère l’alcool et l’odeur de son sang me plaisait déjà. Il suffisait d’une égratignure, et le parfum de l’hémoglobine attirait tous les vampires du secteur. Si je pouvais humer son sang, l’adolescent cachait obligatoirement des blessures, certes infimes, mais suffisantes.

« Bonsoir, monsieur Tchekhovski. Je suis Gosuke. Enchanté de faire vo...votre connaissance...»

Tiens donc, il me connaissait. Visiblement pas suffisamment, car il m’approchait sans aucune méfiance. Il venait de me voir sortir de l’ombre et il se jetait comme ça dans la gueule du vampire. Ah ! Si toutes mes proies lui ressemblaient, la chasse deviendrait d’un ennui…Les rumeurs sur ma race et mes procédés ne l’atteignaient-elles point ? Inutile au fond, il s’en rendrait compte tout seul !

-Gosuke…Répétai-je difficilement en raison de mon accent slave. Quel nom étrange ! Ni russe, ni anglais, ni français…J’opterais pour du japonais. Me tromperai-je ?

Je glissai ma griffe de l’index sous son menton et lui relevai la tête de manière à contempler plus largement son visage et…à libérer son cou. Mon regard se posa sur ce dernier et fixai l’artère carotide avec envie. Je m’en approchai au plus près et profitai du doux battement cardiaque transmit depuis l’organe vital. Seulement je n’allais pas le mordre de suite, je lui susurrai seulement à l’oreille :

-Da, je suis bien Ivan Tchekhovski, mais d’où tenez-vous mon nom et…En quoi puis-je vous aider ?

Le capitaine du Gothica semblait humer l'air. L'homme prononça alors avec quelques difficultés le nom du jeune garçon. Il parlait avec un accent étrange, que Gosuke n'avait jamais entendu. C'était un peu l'accent du nom du capitaine. Étrange. Toutefois, Ivanovitch trouvait le nom du jeune homme pas très banal non plus. Il dit que ce n'était pas du Russe, ni de l'Anglais, ni du Français, et que d'après lui, c'était du Japonais. Il demanda à Gosuke s'il se trompait. S'approchant alors du jeune pirate, Ivanovitch glissa un doigt prêt du visage de Gosuke, et d'un ongle, bien que ça ressemblait plus à une griffe, se posa sous son menton. Il mit alors un peu de pression, obligeant Gosuke à soulever son visage. Un frisson parcourut alors toute l'échine du petit pirate, en partout de son ... cou. Ivanovitch fixa alors le cou du garçon. Ce dernier sentit alors la boule dans son ventre augmenter. Il avait plus peur que quelques minutes auparavant. Au final, peut-être que les rumeurs qui couraient sur ce capitaine n'était pas de simples histoires d'ivrognes. Mais Gosuke était courageux, et prêt à braver ce "danger". Ivanovitch approcha alors sa bouche de la tête du jeune garçon. Ce dernier tressaillit, mais ne bougea pas. Ivanovitch approcha ses lèvres de l'oreille de Gosuke, et confirma son identité, et demanda à Gosuke d'où ce dernier connaissait son nom. Il demanda également en quoi pouvait-il l'aider. Une idée avait germée dans l'esprit du jeune pirate. Il était depuis quelques temps à la recherche d'un capitaine qui accepterait de le prendre parmis son équipage, en tant que simple matelot. Cela lui permetterait de partir en mer, ce qui n'était pas arrivé depuis quelques temps.

- Oui, je suis Japonais. Je vous ai aperçu quelques fois vers les quais, et j'ai demandé qui vous étiez. On m'a dit que vous étiez le capitaine du Gothica.

Après avoir dit cela, Gosuke posa sa main droite sur le bras d'Ivanovitch. Il fut stupéfait de ne pas sentir de chaleur émanant de la chair de l'homme. Pourquoi ? On aurait dit ... un mort. Une seule fois dans sa vie, Gosuke avait touché une personne qui n'était plus l'hôte de la vie, et ce qui l'avait surtout touché, c'était l'absence de chaleur. Cette sensation, il ne l'oublierait jamais, et là, il avait devant lui un être vivant, mais ... qui avait la consistance d'un être mort. Étrange. Gosuke adressa alors un sourire à Ivanovitch, et lui dit :

- Des rumeurs courent sur vous. Elles sont ... macabres. Mais j'aime les défis, et j'aimerai être matelot sur le Gothica. Mais seulement si vous, ou un autre membre de votre navire ... ne me mordez pas. Je veux juste devenir un bon pirate ...

Gosuke avait parlé de manière fière, sans peur, même si la boule dans son estomac augmentait. Les rumeurs, venant des ivrognes les plus ivres de Tortuga, disaient qu'Ivanovitch mordait les gens, car il aimait le sang. D'après certains, ce capitaine était ... un ... Vampire. Mais Gosuke n'avait jamais cru à ces paroles. Mais à présent qu'il se trouvait devant le-dit pirate ... peut-être les rumeurs étaient réelles ? ...

Le contrôle de mes instincts résultait d’un effort titanesque. Sentir le sang de ce jeune garçon me parcourait de frissons, et l’envie de le mordre devenait quasi-incontrôlable. Mes crocs frôlaient son cou, le pinçaient, mais ne le mordaient pas. Un crucifix protégeait-il cette source de nectar vital ? Je n’en savais rien. Ou peut-être étais-je simplement incapable de m’attaquer à ce jeune homme sans connaître ses intensions ? Sans doute.

« Oui, je suis Japonais. Je vous ai aperçu quelques fois vers les quais, et j'ai demandé qui vous étiez. On m'a dit que vous étiez le capitaine du Gothica. »

Un sourire carnassier apparu sur mes lèvres. A chaque instant la peur du jeune homme augmentait : je la sentais et l’entendais, car son cœur battait de plus en plus rapidement. Gosuke posa alors sa main sur mon avant-bras, comme s’il cherchait à se rassurer d’un fait. Son appréhension augmenta d’autant plus : il venait de sentir la mort à travers ma chair. Mes lèvres vinrent à nouveau frôler son oreille et lui murmurèrent d’un ton glacé :

-Da, je suis le capitaine du Gothica. Et je vais de suite répondre à votre songe : en effet, je suis mort, atteint gravement de la tuberculose. Ma tombe se trouve dans un cimetière de Russie, campement de la quatrième division d’infanterie Moscovite. Seulement…Je suis là, en face de vous. Etrange, n’est ce pas ?

Je laissai passer un silence durant lequel le petit pirate sembla réfléchir. Il ne lâchait plus mon bras, complètement tétanisé à l’idée de se trouver face à un cadavre ambulant. Cette idée ne m’effrayait pas pourtant, on s’y habitue ! Soit. Il reprit la parole, animé d’une peur dont le parfum m’excitait de plus en plus.

« Des rumeurs courent sur vous. Elles sont...macabres. Mais j'aime les défis, et j'aimerai être matelot sur le Gothica. Mais seulement si vous, ou un autre membre de votre navire ... ne me mordez pas. Je veux juste devenir un bon pirate... »

Mon sourire s’agrandit, et mes crocs commencèrent à s’enfoncer dans le cou du jeune homme. Des rumeurs ? Oh oui, on m’en rapportait de toutes sortes : à la fois farfelues et étranges, vraies et fausses. Les gens en inventaient de belles ! Curieux à l’idée d’en connaître de nouvelles ou d’entendre les éternels racontars, je demandai :

-Ha ? Des rumeurs…J’en connais beaucoup, certaines sont vraies et on ne les croit guère, d’autres sont fausses mais semblent tout-à-fait normales. J’aimerais bien savoir, quelles sont ces fameuses rumeurs…

Et là, une phrase me stoppa dans mes entreprises : « Mais seulement si vous, ou un autre membre de votre navire ... ne me mordez pas ». Gosuke désirait rejoindre mon navire tout en conservant sa race. Il rejoindrait l’équipage de jour, cela ne posait aucun problème, mais à sa place j’aurais immédiatement choisit de devenir un vampire ! L’immortalité, la jeunesse éternelle et la fierté de ne pas appartenir à la race des nobles…Car eux aussi, étaient des humains, même si leurs pratiques montraient tout le contraire. Evidemment, le jeune homme refusait peut-être tout simplement de ressembler à un garde-manger ? Tous les humains mordus ne devenaient point vampires, beaucoup d’entre eux finissaient au cimetière sans la possibilité d’en sortir.

-Rejoindre mon navire ? Dis-je tout en lâchant Gosuke. Sans être mordu ? Voyez-vous, si les rumeurs s’avéraient raconter certains aspects positifs de ma personne, vous sauriez la chose suivante : il y a des humains sur mon navire, ils y travaillent le jour et empêchent les intrus de nous déranger le temps de notre sommeil, nous les vampires.

Je lui souris et retirai du bout de l’index une petite goutte de sang naissante au creux de son cou. Un coup de langue, et la petite perle écarlate disparu. Je ne quittais plus le petit pirate des yeux, comme si j’avais dans l’idée de lui bondir dessus d’un instant à l’autre. Sa peur attirerait d’autres vampires, et ceux-ci s’attarderaient moins sur des réflexions inutiles, une fois la main mise sur ce jeune homme.

-Si vous désirez faire partie de l’équipage du Gothica, repris-je lentement, vous devez cesser de trembler face à moi. Les autres vampires son bien plus brutaux…Je détournai le regard et soupirai. Je ne mentionnerais évidemment pas Visigoth...Mes yeux se reposèrent sur Gosuke. Et tous les humains de l’équipage diurne sont des gros durs montés comme des armoires à glace. Vous devrez me prouver votre valeur, et cela n’a rien de simple. Je suis très exigeant quant au choix de mes…

Pan ! Et un cri strident de ma part.
Une giclée de sang tacha le sol pavé des ruelles. On venait de me toucher à l’épaule, le tir provenait de la droite. Violemment et dans le but de le mettre en sécurité, je bousculai le petit pirate et l’envoyai contre un mur où il se cassa la figure. Un vampire se rua sur moi en poussant un hurlement aigu et me plaqua à terre avec une force inouïe. J’hurlai à Gosuke :

-Surtout ne bouge pas ! Il ne te verra pas ainsi !

Sur ces mots, un combat acharné commença.
Le perdant finirait sans doute dans un bain de sang.
Les vampires sont des bêtes, elles se battent pour survivre.

- Da, je suis le capitaine du Gothica. Et je vais de suite répondre à votre songe : en effet, je suis mort, atteint gravement de la tuberculose. Ma tombe se trouve dans un cimetière de Russe, campement de la quatrième division d'infanterie Moscovite. Seulement ... je suis là, en face de vous. Etrange, n'est ce pas ?

Donc, Gosuke avait raison sur au moins un point : le rang d'Ivanovitch. Il était donc le commandant du sombre navire, que le jeune pirate apercevait parfois au large. Tout en disant cela, le Russe, car c'était bien de ce pays qu'était originaire cet homme, s'était de nouveau approché de la nuque fragile du jeune pirate. Ce dernier commença alors à avoir très peur. Comment était-il possible qu'il soie considéré comme mort si il se trouvait ici, en pleines Caraïbes, à Tortuga, l'île des Pirates, à lui parler ? Mais sur sa "vitalité", Gosuke n'avait aucun doute. Rien que l'absence de chaleur, et la froideur, de ses membres étaient inquiétants, sans compter la pâleur cadavérique du teint d'Ivanovitch. Dans les yeux de ce dernier, Gosuke pouvait voir ... de l'envie. Puis lorsque l'Asiatique fit part au capitaine des rumeurs circulant sur lui, ce dernier enfonça légèrement ses deux crocs dans son cou. Le jeune pirate ne put s'empêcher un profond tressaillement, suivit d'une légère douleur à la nuque. Ça faisait mal, mais c'était supportable. Surtout que sans en connaître la raison, il se savait incapable de sortir de "l'étreinte" d'Ivanovitch.

- Ha ? Des rumeurs ... j'en connais beaucoup, certaines sont vraies et on ne les croit guère, d'autres sont fausses mais semblent tout à fait normales. J'aimerais bien savoir qu'elles sont ces fameuses rumeurs.

Mais là, alors que Gosuke lui parla de son refus de se faire mordre, le Russe se stoppa net. Il semblait très étonné, presque choqué, par le fait que le petit pirate refuse de devenir comme lui. Il était vrai que Gosuke préférait rester ainsi. Rester ... humain ? Il répondit alors à Ivanovitch sur la question des rumeurs. Gosuke en avait entendu beaucoup, mais deux lui revinrent facilement à l'esprit, puisqu'il avait pu constater leur véracité :

- Une disait que vous buviez du sang humain, l'autre racontait que vous étiez un Vampire. Maintenant je sais que ces deux rumeurs sont vraies. Une autre, par contre, disait que vous étiez un homme bon, et ça, je peux pas l'savoir.

Laissant Ivanovitch réfléchir quelques instants, Gosuke sentit alors une légère faiblesse au niveau du cou. Ca devait sûrement être dû au sang qu'avait dû absorber le Vampire. Même si ce n'était pas une quantité importante, Gosuke n'avait pas l'habitude de perdree du sang, du moins, de cette manière. Puis le Russe lâcha l'enfant, qui se sentit soulagé de ne plus être sous l'emprise de l'homme. Si bien qu'on pouvait encore qualifier ça d'humain. En tout cas, l'apparence y était.

- Rejoindre mon navire ? Voyez-vous, si les rumeurs s'avéraient raconter certains aspects positifs de ma personne, vous sauriez la chose suivante : il y a des humains sur mon navire,ils y travaillent le jour et empêchent les intrus de nous déranger le temps de notre sommeil, nous les Vampires.

Donc, il n'y avait pas que des Vampires à bord du Gothica ? Gosuke avait pensé que tout l'équipage était de la même race que son capitaine, car il ne connaissait pas beaucoup de monde qui accepterait de côtoyer des buveurs de sang. Mais après tout, c'était logique qu'il y aie des Humains dans ce sombre navire. Sinon, comment aurait-il put naviguer de jour ? Car si il y avait une chose que tout le monde savait, c'était que les Vampires ne pouvaient entrer en contact avec la lumière du Soleil. Il y avait bien d'autres moyens de lutter contre les fils de la Mort. Par exemple, l'eau bénite était une arme très efficace, tout comme un simple crucifix. On disait aussi que le seul moyen de tuer un vampire était de lui trancher la tête. Au moins, ça, c'était radical. Travailler sur le Gothica ... Gosuke devait avouer que cela l'attirait. Il était parfaitement conscient des dangers auxquels il serait soumit pendant ce temps, mais son goût pour l'aventure, le danger, et l'inconnu prenait le pas sur la raison. Ivanovitch approcha alors sa main de mon cou, et tout en souriant, prit une perle de sang qui s'était amoncelée sur la peau bronzée du jeune pirate. D'un coup de lange rapide, le nectar vital disparut dans la bouche du capitaine. Le Russe ne semblait plus vouloir quitter le garçon des yeux. Puis il lâcha des nouveaux des paroles.

- Si vous désirez faire partie de l'équipage du Gothica, vous devez cesser de trembler face à moi. Les autres vampires sont bien plus brutaux ...

- Je suis prêt à ne plus avoir peur de vous ...

- Je ne mentionnerais évidemment pas Visigoth ... et tous les humains de l'équipage dirune sont de gros durs montés comme des armoires à glace. Vous devez me prouver votre valeur, et cela n'a rien de simple. Je suis très exigeant au choix de mes ...

Tout à coup, un coup de feu retentit dans l'air. En même temps, Ivanovitch poussa un cri strident, qui résonna fort dans la nuit de Tortuga, et dans les oreilles de Gosuke. Le sol était tâché de sang, venant de l'épaule du Vampire. Ce dernier poussa alors violement le petit pirate contre le mur, le garçon s'écrasant contre le mur, et récolant une petite griffure au niveau de l'épaule. Une fraction de seconde plus tard, une masse s'écrasa contre Ivanovitch. Il subissait une attaque ! Et d'après son opposant, c'était également un Vampire ! Le Russe était à terre, ce qui ne l'empêcha pas de crier. Gosuke ne savait plus quoi faire. Il savait que s'il intérvenait, il se ferait très rapidement mettre en miettes, ou plutôt, en bouillie sanglante.

- Surtout ne bouge pas ! Il ne te verra pas ainsi !

Ainsi donc, c'était bel et bien un Vampire. Mais le capitaine du Gothica ne voulait pas que Gosuke subisse des blessures. Il se souciait de lui ! A cette pensée, le coeur du petit pirate se réchauffa : personne, depuis qu'il était à Tortuga, mis à part Elisabeth S. Turner, ne s'était inquiété pour lui. D'un seul coup, et sans explications, la peur du Japonais pour le Russe s'évanouit. Comme si un poids venait de tomber de ses épaules. Il fallait que Gosuke fasse quelque chose pour aider celui qui lui avait sauvé la vie. Car si Ivanovitch ne l'avait pas bousculé, le jeune pirate serait sûrement mort à l'heure actuelle. Par contre, le combat qui se déroulait devait lui était d'une rare violence. Chaque coup avait comme objectif clair et net de tuer. Tuer, tuer, et encore tuer. Déchirer la peau, les muscles, les organes. Telle était la tâche de ces deux fils de la Mort. Puis un petit raclement résonna faiblement, juste assez pour que Gosuke l'entende. En regardant à ses pieds, il distingua un objet métalique. En le prenant dans ses mains, il reconnu la froideur d'une lame. Et malgré l'obscurité, il pu voir un couteau ... noir. Une idée prit alors forme dans son esprit. Tout à coup, Ivanovitch se retrouva à terre, le ventre contre le sol froid, et ensanglanté, de la sombre ruelle. Pendant une fraction de seconde, aucun coup ne fut distribué, le vampire capitaine et le jeune pirate se fixant dans les yeux. Gosuke fit alors grlisser le couteau en direction du Russe, la lame s'arrêtant à une porte où Ivanovitch pourrait facilement l'attraper. Qui serait le vainceur de ce combat à mort ? ... Seul le destin le savait. Mais une chose était sûre ... le capitaine du Gothica avait trouvé un allié ...

Le petit pirate s’attela à me rapporter certaines des rumeurs à mon sujet. Finalement la populace racontait des faits réels et ne se contentait pas de vacheries sur telle ou telle personne. On n’ose guère cracher du venin sur le capitaine du Gothica, car il sait toujours tout et apparaît n’importe où. De plus, insulter le bienfaiteur du peuple signifiait appartenir à la classe des nobles, des chasseurs de vampires ou tout simplement, de mes ennemis.

« Une disait que vous buviez du sang humain, l'autre racontait que vous étiez un Vampire. Maintenant je sais que ces deux rumeurs sont vraies. Une autre, par contre, disait que vous étiez un homme bon, et ça, je ne peux pas l'savoir. »

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n homme bon ? Evidemment ! La remarque du petit pirate m’amusa. A peine quelques instants plus tôt, un rubis d’une valeur inestimable aux yeux des riches avait trouvé son nouveau propriétaire : un vieux mendiant. Mon propre compte m’intéressait peu, et mes désirs ne se limitaient pas à la richesse matérielle. Offrir des cadeaux aux enfants, les voir me sauter dans les bras en me remerciant simplement ; sécher les larmes de joie des femmes face à des richesses apparues dans leurs plus beaux rêves ; rendre heureux les hommes et leur apprendre à se servir de nouveaux outils hors de prix censés rendre leur labeur moins pénible…Tout cela représentait ma véritable richesse. L’argent n’apporte guère le bonheur, en revanche les amis s’en chargent très bien.

-Un homme bon…On ne vous a pas menti. Avant de vous rencontrer j’ai donné un rubis fraîchement dérobé à un vieux mendiant. Après tout, je n’en aurais pas eu une utilité semblable à la sienne. La richesse matérielle m’apporte peu, seuls les sourires me rendent heureux.

Je ne représentais plus une menace, Gosuke pouvait se détendre. Ce jeune homme me plaisait, et comme il me fallait de nouveaux mousses humains dans le but de renforcer les rangs de l’équipage de jour, je devais rayer mon envie de le vider de son sang. Après tout, le tuer à un âge aussi florissant relèverait d’un crime inhumain, et contre mes propres lois. Hélas, certains vampires ne se contrôlaient pas : ils s’attaquaient au premier humain venu, et mon agresseur venait en ce but. Il m’assimilait à un prédateur gênant, ainsi il éprouvait le besoin de me supprimer. Vite.

Un combat sanglant commença. Le vampire me flanqua un coup de griffe en plein visage, je le lui rendis et le renversai sous moi de manière à l’attaquer plus aisément. Il montra les crocs en signe de menace, ainsi j’agis de même. D’une main je l’empêchais de s’emparer d’un poignard à sa ceinture, et de l’autre je l’étranglais contre le sol. Sa main libre m’attrapa la gorge et tenta de me repousser au mieux, en vain. Il profita cependant d’un instant de faiblesse de ma part de manière à me renverser à son tour. A cet instant j’entendis une sorte de frottement métallique sur le sol ; inquiet, je portai la main à ma ceinture et me rendis compte de l’absence de l’un de mes précieux poignards noir ! Je ne pouvais m’emparer du second, car le vampire me bloquait la main à son tour.

Le petit pirate se montra d’une précieuse aide. Il me suffit d’un regard en sa direction et il comprit immédiatement la tâche attendue. D’un mouvement rapide il me renvoya mon poignard ; ce dernier alla se cogner contre un perron fracassé d’où je pourrais facilement le récupérer. Hélas, mon adversaire surpris également l’agitation de mon nouvel allié. Il tourna violemment la tête vers lui et ouvrit grand la bouche. J’hurlai à Gosuke :

-Bouche-toi les oreilles !

Le vampire poussa un cri capable de briser des tympans humains. A moitié sonné, je perdis le nord l’espace d’un instant. Le vampire en profita et décida de s’attaquer au petit pirate : il s’approcha de lui, prêt à lui bondir dessus. Une fois de plus je vins en aide à ce jeune garçon : je récupérai rapidement mon poignard noir et le balançai dans l’épaule de mon adversaire. Il se tourna, furieux, et se réattaqua à moi avec une force inouïe. Ecrasé contre un mur, je sentis quatre de mes côtes se briser, et le vampire ne s’arrêtait guère là. Ses crocs s’enfoncèrent violemment dans mon épaule, m’arrachant un hurlement de douleur en plus d’un bon morceau de chair.

Un bon juron russe marqua mon énervement. Je retirai mon poignard de son épaule et le lui enfonçai en plein dans le ventre. Seconde lame, en pleine mâchoire : elle lui traversa toute la tête et l’empêcha de hurler. J’attendis quelques instants et envoyai le cadavre fraichement tué sur le sol. Haletant, je souris tout de même au petit pirate et m’approchai de lui dans le but de l’aider à se relever. Du sang coula sur son bras, mon épaule avait morflé.

-Tu n’as rien ?

Lui non, ou presque. Mais moi j’avais sévèrement dégusté lors de ce combat ! Bah, toutes mes blessures disparaîtraient en un temps record, inutile de s’affoler. Totalement décontracté, je récupérai mes deux poignard, les tournai entre mes doigts et pris le temps d’en retirer le sang avant de les ranger dans mon manteau. Je tournai la tête vers Gosuke : ma plaie sanglante au visage se referma à une vitesse fulgurante et laissa derrière elle une poussière noirâtre dont la présence disparu grâce au vent.

-Alors…Prêt à rejoindre le Gothica ?

Une proposition impossible à refuser planait dans l'air glacial de la nuit...

- Un homme bon ... On ne vous a pas mentit. Avant de vous rencontrer, j'ai donné un rubis fraîchement dérobé à un vieux mendiant. Après tout, je 'en aurais pas eu une utilité semblable à la sienne. La richesse matérielle m'apporte peu, seuls les sourires me rendent heureux.

Ainsi donc, Ivanovitch Tchekhovski était un homme, ou plutôt un Vampire, généreux ? Cela semblait étrange à Gosuke, mais dans un monde comme celui dans lequel on vivait, surtout ici, en plein Tortuga, ce genre de choses devenait, après tout, monnaie courante. Mais à présent, revenons-en à ce qui se passait : un combat à mort s'était engagé entre le capitaine du Gothica et un Vampire inconnu. A Tortuga, les bagarres générales dans les bars étaient très fréquentes, et Gosuke y assisstait journalièrement. Quelque fois, il y avait même directement participé. Il les avait toujours trouvé violentes, ces "bastons", mais comparé à ce qui se passait devait ses yeux, ce n'étaient que des caresses. Puis ce fut au tour de Gosuke d'agir, faisant glisser le couteau d'Ivanovitch jusqu'à ce dernier. Malheureusement pour le jeune pirate, l'inconnu remarqua sa présence, et lorsqu'il le fixa, Gosuke ressentit une peur profonde, lui sortant des viscères. A cet instant, il cru vraiment voir la mort approcher, pâle, sombre, menaçante, la bouche grande ouverte, dégoulinante de sang.

- Bouches-toi les oreilles !

Réagissant au quart de tour, l'adolescent plaqua ses mains contre ses deux oreilles. Mais pourquoi donc ? Il n'en savait rien. Mais Ivanovitch dégageait une telle autorité que Gosuke obéit instantanément. Heureusement pour lui, car quelques secondes plus tard, un cri strident déchira l'atmosphère. Tout le monde dans Tortuga, l'île des Pirates, avait dû entendre ce cri. Même si ses tympans avaient été protégés, Gosuke avait bien entendu le cris, et même s'il était bien conscient, il sentait encore ses deux oreilles bourdonner. Mais à présent, l'inconnu s'était levé, s'approchant de lui, décidé à faire couler du sang frai, vivant ... appétissant ? Alors qu'il s'apprêtait à bondir sur le jeune garçon, il fut stoppé net. Un rictus de surprise s'afficha sur son visage, tandis qu'une lame dépassait de son épaule. Mais pas n'importe quelle lame, non. Une lame noire. Ainsi, le capitaine du Gothica avait réussit à ramasser son couteau ! Cela remettait les pendules à l'heure, ou plutôt, ça allongeait l'échéance de la mort de Gosuke ! Le Vampire se retourna, fou de rage, et se lança sur Ivanovitch. Ce dernier fut lancé contre le mur avec une force incroyable, et le petit pirate pu à cet instant jurer d'avoir entendu plusieurs craquements. Mais ce n'était pas tout, puisque des griffes s'enfoncèrent dans le corps du Russe. Tout s'enchaîna alors très rapidement. Ivanovitch retira le poignard de l'épaule de son adversaire, l'enfonçant dans le ventre de ce dernier. Gosuke resta admiratif. Il était gravement blessé, avec des côtes sûrement cassées, et il trouvait la force de faire ça ?! Epatant ! Mais ce ne fut pas tout. Le capitaine du sombre navire sortit une deuxième lame, et l'enfonça par le bas dans la machoire de l'autre Vampire. Pendant quelques secondes, rien ne se passa. La vie s'échappait lentement du corps, tandis que le silence régnait en maître absolut.

- Monsieur ? Vous ... vous allez bien ?

Ivanovitch ne répondit pas. Il repoussa le cadavre, et en haletant, il s'approcha de Gosuke. Ce dernier était à terre, dans un état proche de la paralisie. Le combat auquel il venait d'assisster avait été d'une violence jamais vue pour lui. Du sang coula alors sur le bras du jeune pirate : il provenait de l'épaule du capitaine, qui avait bien souffert pour se défaire du Vampire.

- Tu n'as rien ?

- Non, grâce à vous, et je vous en suis gré.

Non, Gosuke s'en était très bien sortit. En fait, la seule chose était sa peau rappée, au niveau de l'épaule droite. Elle était rougie, et ouverte par endroits. Mais rien de grave. Il en avait vu des plus belles dans sa jeune vie de pirate. Ivanovitch, l'air de celui qui venait de prendre le petit-déjeuner, ramassa ses deux lames, les essuya, et les rangea. Puis il se tourna vers Gosuke. Ce dernier fut alors stupéfait par ce qu'il vit : les blessures du Russe, en tout cas celles du visage, étaient en train de se refermer à vue d'oeil ! Comment était-ce possible ? Ca devait être dû au fait que son sang ne soie pas Humain, mais Vampire. Seule une petite poussière sombre, bientôt soufflée par la brise marine, vint témoigner des blessures subies. Ainsi, il était à présent soignée ?! Incroyable.

- Alors ... prêt à rejoindre le Gothica ?

Ivanovitch acceptait ! Il lui suffisait d'un petit "oui" pour devenir matelot dans l'un des plus sombres navires qui naviguait sur cette mer ! Mais le défi séduisait Gosuke, qui en respirant à fond, informa le Russe de sa décision. Le ton de voix utilisé par le jeune pirate était sans peur. Désormais, il ne craignait plus Ivanovitch Tchekhovski. Il prononça alors, d'un ton fier, sans tremblement, et déterminé :

- Oui, je suis prêt à faire partie de votre équipage ... Capitaine ...

Ce jeune garçon pouvait me remercier, sans ma précieuse aide il serait vidé de son sang, et sûrement en petits morceaux à l’heure actuelle. Son air surpris m’amusait : n’avait-il jamais assisté à de vrais combats ? Sur le Gothica, il en verrait tous les jours. Les vampires n’agissent pas tendrement, et titillés par la faim ils deviennent des bêtes enragées. Ils se battaient les humains prisonniers –tous des soldats de la Compagnie des Indes Orientales, se disputaient leur chair et se baignaient quasiment dans leur sang tant ils en gâchaient de précieux litres. Changer ce comportement devenait impératif, j’allais de ce pas m’y atteler.

Mais d’abord, s’assurer de l’état du petit pirate. Il portait l’odeur du sang, ainsi je vérifiai soigneusement chacun de ses membres dans le but de le soigner au cas où il serait grièvement blessé. Seulement des égratignures à l’épaule, rien de bien grave. Je ne connaissais point ma force, ainsi je me félicitai de ne pas lui avoir brisé les os lors de ma bousculade. Remarque, ça lui apprendrait à s’habituer à la douleur ! La résistance est de mise sur mon navire, je n’accepte guère les femmelettes ! Je venais de donner une chance à Gosuke, et il l’empoigna à pleines mains :

« Oui, je suis prêt à faire partie de votre équipage...Capitaine...»

Un grand sourire accueillit cette réponse. Je m’approchai et lui relevai à nouveau le visage du bout de la griffe de l’index. Ma voix dure et autoritaire s’attendrit, et d’un ton d’une douceur de plume je lui dis :

-Dans ce cas…Bienvenue sur le Gothica, jeune mousse ! Suis-moi.

D’un geste ample je me tournai. Mon long manteau accompagna mon mouvement à merveille et lui donna une touche de mystère. Je marchai tranquillement et m’arrêtai un instant face au cadavre du vampire ; il deviendrait cendre au soleil, mais si je ne voulais pas donner d’indices supplémentaires sur les moyens de nous donner la mort, mieux valait le brûler de suite. Ainsi je parsemai son corps de poudre et provoquai une étincelle simplement en griffant la lame d’un de mes poignards. Le corps prit feu, et sur cette vision flamboyante je me retirais.

-Viens donc, ne reste pas planté là ! Et pressentant une éventuelle question à ce sujet. Ah ! Et ne t’inquiète pas pour mes blessures…J’écartai le tissu arraché au niveau de mon épaule meurtrie et dévoilai une omoplate toute neuve, couverte d’une peau de nouveau né. Je cicatrise vite…Seules mes côtes cassées mettent un peu plus de temps à…Un craquement retentit dans ma poitrine, je gémis de douleur et repris ma phrase. A se mettre en place…

Je menai mon nouveau matelot au Gothica. Evidemment notre passage dans les rues de Tortuga se montra difficile, mais quelques coups de poings bien placés de ma part parvinrent à nous frayer un chemin plus aisé. Des filles de joie tentèrent encore de me harponner, hélas elles se prirent toujours les mêmes remarques cinglantes et partirent la tête haute, vexées. Je soupirai longuement et m’exclamai :

-Foutues humaines…Elles n’ont vraiment rien d’autre à faire !

Sur les quais, des épaves putrides étalaient leur vase dans l’eau noirâtre. Et ça se disait vaisseaux pirates ? Seul un navire se détachait des autres : immense, puissant, magnifique. Le Césarius, tel fut son nom donné en France ; le Gothica, ainsi l’appelait-on à présent. Sa sculpture de proue impressionnait de loin, et vue de près elle battait le record du nombre de bouches béates obtenues en cinq minutes. Sa taille valait cinq hommes postés les uns sur les autres, et la beauté de ses courbes se comparait aisément aux chefs-d’œuvre des plus grands artistes.

-J’te présente Luciferus. Dis-je en désignant la sculpture, ce fameux dragon cornu à la gueule grande ouverte. On l’a baptisé comme ça, vas savoir pourquoi.

On longea le navire. Sur chacune des trappes fermées derrière lesquelles se cachaient les canons apparaissaient de superbes dessins ciselés dans le bois noir de la coque. Cette dernière, totalement sculptée, suivait un style des plus enchanteurs. Le motif le plus marquant, et le plus visible, représentait un grand dragon des mers dont la gueule remontait à la proue et dont la queue se perdait à la poupe. Même les mâts n’avaient été épargnés, tous trois décorés de bêtes mythologiques féroces et pourtant si magnifiques. Un minotaure sur la misaine, une hydre sur le principal, et un centaure cabré sur l’artimon. Bref, une merveille.

-Ne t’extasie pas trop, il y a encore beaucoup de choses à voir sur ce navire…Repris-je, le sourire aux lèvres.

Je le conduisis sur le pont où travaillaient mes matelots. Ils me saluèrent et tombèrent un instant en arrêt face au nouveau venu. Gosuke ne rencontra encore aucun vampire, tous chassaient à cette heure. Seul Visigoth, le plus fort de la bande, demeurait au bercail. Sait-on jamais, si on cherchait à s’emparer de mon navire, un seul coup de hache de sa part suffirait à calmer les importuns. Visigoth portait bien son nom, il me battait en taille et en force, ne se fatiguait pas à réfléchir et sortait la hache au moindre problème complexe. Cependant ses amis n’avaient pas à le craindre, il ressemblait plus à un gros nounours colérique comme le disait Melian, ma seconde.

-Gosuke ? Je te présente Visigoth…Le seul capable de tuer quatre soldats d’un coup, seulement armé de ce truc là. Je désignai une grande hache posée contre un rebord du navire. Mais ne t’en fais pas, si tu ne lui cherche pas la petite bête il ne te fera rien du tout ! N’est ce pas Visigoth ?
-Mh.
-Ça veut dire oui. Oui je sais, il n’a pas énormément de vocabulaire…

Le vampire flanqua un grand coup amical sur l’épaule de Gosuke. Je connaissais la force de ce drôle-là, ainsi j’empêchai le petit de se casser la figure ; Visigoth éclata de rire et parvint à formuler une phrase anglaise sans se ramasser sur des mots russes :

-Bienvenue à bord gamin.
-Tu vois, il t’aime déjà ! Dis-je à Gosuke en riant et l’aidant à se relever.

Ivanovitch inspecta le corps de Gosuke, comme pour s'assurer qu'il n'avait rien de grave. Décidément, il tenait à la santé du jeune pirate. Puis après avoir obtenu la réponse de ce dernier, le capitaine du sombre navire souhaita la bienvenue à Gosuke. Tout en parlant, il afficha un grand sourire. Relevant le visage de l'adolescent, Ivanovitch avait à présent une voix plus douce, plus chalheureuse. Moins ... inquiétante ?

- Dans ce cas ... Bienvenue sur le Gothica, jeune mousse ! Suis-moi.

Désormais, Gosuke n'était plus un "errant". Un pirate n'ayant pas de navire, vivant au jour le jour dans les rues de Tortuga. Certains, parfois, réussissaient à s'embarquer dans un quelconque navire sans se faire remarquer, et dès qu'ils pouvaient mettre pied à terre, devenaient des bandits. Mais Gosuke n'avait jamais voulu faire de telles choses. Il préfèraient encore rester à l'île des Pirates. Le Russe se retourna alors, son manteau, suivant la cadence, donnant un certain mystisisme à la scène. Lorsqu'il s'arrêta devant le cadavre de l'autre Vampire, Ivanovitch le parsema de poudre, et tout en y mettant feu, dit à son nouveau membre d'équipage :

- Viens donc, ne reste pas planté là !

- Oui Capitaine !

Ignorant le feu qui s'était déclaré sur le cadavre, Gosuke accéléra le pas, afin de se placer à côté de son Capitaine, mais légèrement derrière. Ce qui avait le plus stupéfait le jeune pirate, c'était cette étrange capacité à se guérir tout seul, et surtout, de manière très rapide. Gosuke avait-il le droit de demander plus de précisions à son nouvel Capitaine ? Il n'en savait que trop rien. Normalement, il n'était pas un adolescent qui avait sa langue bien au chaud dans sa bouche. Il aimait dire ce qu'il pensait. Mais il n'avait jamais connu une personne comme Ivanovitch. Il ne le connaissait pas, et même s'il semblait, après avoir fait connaissance, assez correct, Gosuke préféra ne rien dire. Sauf que le Capitaine n'en resta pas là, semblant deviner les pensées de son mousse.

- Ah ! Et ne t'inquiète pas pour mes blessures ...

Le Russe montra à Gosuke son épaule en écartant le tissu déchiré et arraché. Le jeune pirate en resta stupéfait : la peau était intacte, belle. Comme si il n'y avait jamais eu de contact, ni de combat à mort entre deux Vampires ! Et les blessures internes ?

- Je cicatrise vite ... Seules mes côtes cassées mettent un peu plus de temps à ...

Il s'interrompit dans sa phrase, poussant un gémissement de douleur. Mais ce n'était pas rien, puisque juste avant, un sinistre craquement retentit, semblant sortir de la poitrine du Capitaine du Gothica. Ainsi, même à l'intérieur de son corps, tout se remettait tout seul en place ? André en était abassourdit. Normalement, après un combat comme celui-là, Ivanovitch aurait dû ne plus pouvoir bouger. Et plusieurs mois de traitements auraient été donnés au Vampire. Mais ça semblait être une capacité de sa race. Extraordinaire. Epatant. Le Russe termina néanmoins sa phrase :

- A se mettre en place ...

Tout en pensant à tout ce qu'il venait de voir et de vivre, Gosuke suivit donc Ivanovitch dans les rues de Tortuga, de manière assez tranquille. Enfin, tranquille. Un bien beau mot. Mais tous n'en avaient pas la même définition. En tout cas, avec quelques coups de poings terriblement efficaces, le Russe faisait en sorte d'aller rapidement au but de leur trajet : le Gothica. Mais avant d'y arriver, ils furent abordés par des filles de joies. Et ici, à l'ïle des Pirates, c'était une chose tout à fait normale. Les pirates n'étaient pas des gens ... disont ... sociables avec les femmes, alors se marier. En fait, beaucoup ne devaient même pas savoir ce que ça voulait dire, les engagements que cela engendrait. C'est pourquoi ces femmes de joie étaient toujours très appréciées par quelconque marin en manque ... d'aventure ? Oui, c'était le mot. L'aventure. Une chose passionnante. Une chose dans laquelle Gosuke était en train d'avancer, à tatons.

- Foutues humaines ... Elles n'ont vraiment rien d'autre à faire !

Ivanovitch insultait ouvertement les jeunes femmes. Mais celles-ci étaient déjà parties, vexées, mais de nouveau en "chasse". Car c'était bien à une chasse à l'homme qu'elles se livraient. Néanmoins, Gosuke décida de parler un peu avec Ivanovitch. Il ne voulait tout de même pas passer pour un petit muet, ayant trop peur de parler ! Il communiqua donc à son Capitaine son point de vue sur ces femmes de joie :

- C'est vrai que des fois elles sont chiantes. Mais c'est une manière pour elles de vivre. En tout cas, vaut mieux ça que de mendier dans la rue. Mais j'espère de tout mon coeur ne jamais avoir affaires avec ce genre de femme !

s Puis ils arrivèrent aux quais. Presque tous les bâteaux étaient semblables : vieilles épaves, voiles déchirées. En fait, c'était à se demander comment ces navires faisaient pour flotter. Mais il fallait aussi se dire que les bâteaux se trouvant ici l'étaient souvent pour réparations. En effet, lorsqu'un Capitaine avait son équipage au complet et en forme, et que son bâteau était prêt à prendre la mer, il mettait immédiatement les voiles. Et ce n'était qu'après quelques assauts et combats qu'il revenait. Mais tous les navires ici présents n'étaient pas comme ça. Certains étaient très bien entretenus. Mais si il y en avait un qui contrastait bien avec les autres, c'était bien le sombre navire : le Gothica. Il y avait une chose qui impressionnait Gosuke : le dragon sculpté sur la proue. Cornes saillantes, gueule grande ouverte. Il semblait être prêt à avaler n'importe quel adversaire. En plus, cette oeuvre d'art, car il n'y avait pas d'autre nom, était énorme. Cela n'étonnerait pas si quelques hommes, en se mettant les uns sur les autres, n'arrivaient pas à la mesure en hauteur.

- J'te présente Luciferus. Puis, après avoir montré la sculpture : - On l'a baptisé comme ça, vas savoir pourquoi.

Luciferus. C'était donc ça. Lucifer était un des nombreux noms utilisés pour désigner le Diable. Ce dragon était donc une représentation du Mal à l'état pur. Mais le Sombre était-il si beau que ce reptile géant ? Gosuke n'en savait rien, mais en tout cas, c'était une appellation bien choisie. Puis les deux "hommes" marchèrent le long de la coque, sur la rive. Tout en marchant, le petit pirate pu apprécier les gravures présentes sur les trappes des ouvertues des canons. Simplement magnifique, sensuel. En fait, tout sur ce navire était gravé. Sur la coque, il y avait un grand dragon des mers, la gueule remontant à la proue, la queue se terminant à la poupe. Et sur les mats. Que de chefs d'oeuvres. Sur la misaine, on pouvait voir une étrange créature, mi-humaine, mi-taureau. Sur le mat principal, une sorte de Serpent avec une multitudes de têtes. Et sur l'artimon, un cheval avec, à la place de la tête, un haut de corps d'homme. Gosuke n'avait jamais vu cela, mais il trouvait toutes ces créatures inconnues passionnates, belles, intriguantes. Semblant voir l'admiration dans les yeux du petit pirate, Ivanovitch dit, tout en souriant :

- Ne t'extasie pas trop, il y a encore beaucoup de choses à voir sur ce navire.

- En tout cas, c'est un très beau navire. Il a été fait où ?

Puis ils se retrouvèrent sur le pont principal, où plusieurs matelots travaillaient. Était-ce des Vampires ou des humains ? Gosuke n'en savait que trop rien, mais à leur teint bronzé, il estima être en présence de pirates "normaux". Sauf un, il semblait. En effet, il y avait un grand, avec les mêmes caractéristiques que le Capitaine : teint pâle, oreilles pointues. Sauf qu'il était bien plus musclé, et semblait à lui seul capable de faire face à de nombreux adversaires. Gosuke n'avait jamais quelqu'un comme ça de sa vie. Et des costeaux, il en avait vu des tonnes à Tortuga ! Mais si ils avaient une caractéristique commune, c'était bien le manque "d'intéligence". Non pour dire qu'ils en étaient dépourvus, mais cette "qualité" ne semblait pas être celle de leur prédiléction.

- Gosuke ? Je te présente Visigoth ... Le seul capable de tuer quatre soldats d'un coup, seulement armé de ce truc là.

Effectivement, rien que ses muscles semblaient pouvoir faire face à tout. Mais la musculature, ça ne faisait pas tout. Gosuke en était la preuve. Il avait beau très musclé pour son âge, il faisait bien petite mine devant n'importe quel pirate digne de ce nom. Et le "truc" désigné par Ivanovitch, ce n'était autre qu'une énorme hache. Elle était posée contre le bord du navire. Le petit pirate était sûr qu'en mettant toutes ses forces, il n'arriverait pas à soulever cette arme. Alors si Visigoth arrivait à tuer quatre soldats d'un coup, ça voulait dire qu'il maitrisait la hache à la perfection. Imprésionnant.

- Mais ne t'en fais pas, si tu ne lui cherches pas la petite bête, il ne te fera rien du tout ! N'est ce pas Visigoth ?

nEn effet, vu sous cet angle, il semblait bien plus ... docile ? Oui, docile. Ou plutôt, il ne semblait pas être agressif. Comme unique réponse, "l'ogre" se contenta de grogner une petite réponse. En fait, il ne fit même pas l'effort de former un mot.

- Mh.

- Ça veut dire oui. Oui je sais, il n'a pas énormément de vocabulaire ...

- Enchanté, Visigoth.

La politesse. Une chose élémentaire lorsqu'il faisait question de faire connaissance avec un inconnu. Surtout avec un inconnu comme celui-là. Gosuke ne put alors s'empêcher de sourire. Pas pour se moquer, non, loin de là. Mais plutôt un rire pur, sans aucune trace de provocation. Visigoth avait en fait l'air très amical, après ce petit moment humoristique d'Ivanovitch. Puis le géant fit quelque chose d'innatendue. Il mit un grand coup, de manière amicale, sur l'épaule du jeune pirate. Heureusement que le Capitaine du Navire était là, sinon Gosuke aurait sans doute finit par dessus bord ! Dis donc, il ne maîtrisait pas sa force celui-là ! L'information selon laquelle il tuait sans aucune difficulté quatre hommes n'était tout à coup plus une éxagération. Mais l'adolescent ne se fâcha pas. Il savait que Visigoth n'avait pas eu l'intention de le blesser. Ce dernier éclata alors de rire, juste avant de formuler une phrase :

- Bienvenue à bord, Gamin.

Au moins, il se voyait souhaiter la bienvenue par un membre de l'équipage. Surtout que c'était un Vampire. Sans savoir pourquoi, alors que son esprit lui disait de ce méfiant de ce colosse, le coeur de Gosuke lui disait qu'il n'y avait aucun danger à sympathiser avec lui. Mais le jeune pirate se promit à lui-même de toujours faire attention lorsqu'il se trouverait en compagnie des fils de la Mort, ou de la Nuit. Ivanovitch aida alors le petit pirate à se relever, tout en disant :

- Tu vois, il t'aime déjà.

- Oui j'vois ça. Au moins, ça m'met dans l'ambiance ! Merci pour l'coup d'main. Au fait ... ils reviennent quand les autres ... Vampires ?

Si la première phrase avait été dite d'un ton amical, rigoleur, la dernière était bien plus sérieuse ...

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